Une IA a-t-il le droit d'utiliser n'importe quelles données pour son entrainement ? Une oeuvre générée par l'IA peut-être protégée ? Réponses de l'avocate Clara Viguié.
INTERVIEW
Clara Viguié, avocate expert du droit de la propriété intellectuelle
En quoi l’intelligence artificielle heurte-t-elle la législation en matière de droits d’auteur ?
L’IA pose deux problèmes face aux droits d’auteur. D’une part, celle de l'utilisation de données existantes, telles que des textes, images, ou musiques, protégées par le droit d'auteur, pour "entraîner" les modèles d'IA sans l'autorisation des titulaires de ces droits. D’autre part, la question de la protection éventuelle des œuvres créées par intelligence artificielle.
Aux États-Unis, le New York Times et OpenAi s’opposent à propos des données d’entrainement de ChatGPT. Un tel conflit pourrait-il survenir en France ?
Effectivement, cela pourrait tout à fait arriver en France et en Europe, même si la législation n’est pas la même. Par définition, une contrefaçon, c'est lorsqu'il y a une reproduction d'un contenu en vue d'une communication auprès d'un public. Toutefois, il existe chez nous la notion de “fouille de texte”, une exception légale qui autorise à faire de la collecte, sous réserve que les titulaires de droit ne s'y opposent pas fermement. C’est une sorte d'opt-out. Aucune affaire ne s’est encore présentée mais c’est intéressant à surveiller.
A l’inverse, des œuvres générées par intelligence artificielle peuvent-elles relever du droit d'auteur et peut-on les protéger ?
C'est une question délicate. Aux États-Unis, il a été jugé qu'une œuvre générée par IA ne pouvait pas bénéficier de protection du droit d'auteur, car elle résultait du hasard et non d'un choix créatif humain. En France, la question n'est pas encore tranchée, mais l'approche pourrait être similaire, sauf si l'utilisateur de l'IA intervient de manière significative dans le processus créatif. C’est un point très important que les créateurs de contenus utilisant l’IA doivent surveiller.
